Il ne vous aura sans doute pas échappé que je viens de monter mon activité au sein d’une Coopérative d’Activité et d’Emploi (CAE) avec une associée. Avant même de décider de monter cette activité, j’avais quitté l’entreprise dans laquelle je travaillais en réussissant à partir en rupture conventionnelle. Et heureusement car, quand on démarre une activité dans une CAE, on est d’abord sous contrat CAPE (Contrat d’appui au projet d’entreprise) et pendant ce temps, on vit de ses allocations chômage et non pas de ce qu’on facture.
J’ai eu un peu de mal à réunir toutes les bonnes informations qu’il me fallait pour bien préparer ma demande de rupture conventionnelle pour qu’elle se passe bien. Je me suis donc dit qu’il serait intéressant de regrouper tout ça dans un article pour que ça puisse servir à d’autres personnes. Voici donc comment quitter son entreprise en rupture conventionnelle en 6 étapes (succès non garanti).
Étape 1 : Se préparer
Au préalable, j’ai trouvé et lu ces ressources officielles :
- La rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée, sur le site du Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion ;
- Rupture conventionnelle, sur Service-public.fr ;
- Le site de la convention collective Syntec dont je dépendais mais on n’y trouve rien sur la rupture conventionnelle…
Préparer ses arguments
Il faut, dès le départ, préparer vos arguments pour la négociation. Ils vous serviront pour l’entretien officiel (étape 4) et probablement pour l’annonce préalable aussi (étape 3). Il existe des articles qui vous aideront peut-être comme celui-ci sur Juritravail.
Il n’est pas forcément nécessaire d’évoquer les véritables ou toutes les raisons de votre départ, surtout si vous souhaitez éviter le conflit. On vous demandera forcément pourquoi vous souhaitez partir même si vous n’avez pas d’obligation à le dire ; vous pouvez vous focaliser sur certains points en particulier qui ne peuvent pas être remis en question. Si besoin, demandez conseil à votre entourage sur ce que vous prévoyez de dire.
Simuler la date de départ et le calcul de l’indemnité légale
Pour préparer la négociation de l’obtention de la rupture conventionnelle, mieux vaut savoir en amont à quelle date vous pouvez partir au plus tôt et le montant de l’indemnité légale à laquelle vous avez droit. La date de départ peut se négocier. L’indemnité de départ sera sans doute plus difficile à négocier si vous souhaitez plus que le minimum légal.
Voici les outils dont vous avez besoin :
- Simulateur officiel pour la date de départ sur TéléRC : il prend en compte les délais de rétractation et d’homologation ;
- Indemnité légale :
- Simulateur officiel pour l’indemnité légale sur TéléRC ;
- Pour information, la convention collective Syntec est plus avantageuse donc les indemnités seront plus élevées par rapport à ce que dit TéléRC (renseignez-vous sur votre convention ou laissez-vous surprendre, ça ne sera pas moins que ce que dit TéléRC).
À savoir sur la date de départ : le ou la salariée n’est pas tenue d’effectuer un préavis. Il faut simplement tenir compte des délais prévus par le cadre de la rupture conventionnelle.
Se faire accompagner (facultatif mais recommandé)
Si vous n’êtes pas en confiance, si cela ne se passe pas forcément bien dans votre entreprise ou que vous avez juste peur, il faut savoir que, pour l’étape 4 (l’entretien entre l’entreprise et vous), vous avez le droit de vous faire assister par :
- soit un ou une salariée de l’entreprise : représentant ou représentante du personnel, personne ayant un mandat syndical ou n’importe quelle personne salariée – cf. l’article L1237-12 du code du travail. Toutefois attention, si la personne n’est pas salariée protégée, elle prend un risque ;
- soit « un conseiller du salarié » en l’absence de représentant ou représentante du personnel dans l’entreprise.
La personne vous accompagnera lors de l’entretien pour fixer les règles de la rupture conventionnelle. Les conseillers et conseillères font souvent partie de syndicats mais l’accompagnement est gratuit et ne nécessite pas d’adhérer à un syndicat.
Si vous télétravaillez et/ou que votre entreprise est dans un département différent de celui dans lequel vous habitez, cette citation vous intéressera :
Le conseiller du salarié ne peut intervenir que dans le département dans lequel il est nommé. Il doit donc faire partie de la liste du département dans lequel aura lieu l’entretien préalable. Ce lieu peut donc être différent du département du lieu de travail.
Licenciement : qu’est-ce qu’un conseiller du salarié ? sur Service-public.fr (vaut aussi pour la rupture conventionnelle)
De mon côté, j’étais dans ce cas-là et je me préparais à demander un entretien en visio. J’ai contacté un syndicat pour savoir si je devais chercher un conseiller ou une conseillère dans mon département ou dans celui de mon entreprise. On m’a répondu que si l’entretien était en visio, cela importait peu. Cependant, afin de m’assurer de faire au plus sûr, j’ai plutôt cherché la liste des conseillers et conseillères à Paris qui est heureusement disponible sur le web (mais en PDF scanné donc inaccessible…).
Cherchez ces informations et préparez tout ce qu’il faut dès maintenant. N’hésitez pas non plus à contacter un (ou des) syndicat si vous avez des questions.
Étape 2 : Envoyer une lettre de demande de rupture conventionnelle
Vous ne trouverez pas cette information dans les documents listés. Elle est pourtant essentielle. Il faut envoyer, en recommandé, une lettre de demande de rupture conventionnelle. Elle permet d’officialiser la demande et d’éviter, à terme, que l’homologation de la rupture conventionnelle échoue pour suspicion de licenciement déguisé. En faisant ça, vous assurez pleinement vos arrières car vous faites les choses de façon carrée et en connaissance de cause.
Vous trouverez un modèle de lettre sur le site du Journal du Net. Il n’y a pas d’obligation d’y mettre un motif. Ici, le modèle propose d’indiquer je souhaite désormais démarrer de nouveaux projets professionnels
; ce qui est suffisamment vague pour convenir à toutes les situations sans rentrer dans les détails. Le motif pourra, par la suite, être abordé oralement si vous le souhaitez.
Étape 3 : Annoncer la demande et l’arrivée de la lettre
Ce n’est pas obligatoire mais je vous conseille d’annoncer votre demande de rupture conventionnelle à votre employeur ou employeuse avant que la lettre n’arrive, surtout si vous êtes dans une petite entreprise ou petite équipe. Ce sera moins violent.
Postez la lettre en recommandé avant de faire l’annonce afin d’éviter qu’on n’essaye de vous faire changer d’avis. Une entreprise promet toujours la lune pour rattraper une personne qui veut partir mais si vous voulez partir, c’est que vous avez probablement de très bonnes raisons. Il vaut mieux conserver cette rationalité coûte que coûte.
Annoncez par écrit ou de vive voix votre souhait à votre responsable mais attention, il faudra s’y préparer car ce n’est pas un épisode facile à vivre, en particulier s’il s’agit d’une vraie réunion, d’un vrai échange.
Étape 4 : Entretien entre entreprise et personne salariée (vous)
Le ou les entretiens permettent de définir les conditions de la rupture (date de la rupture, montant de l’indemnité versée par l’entreprise). Il est indispensable de se mettre d’accord avant que l’entreprise ne rédige une convention de rupture. Si le montant de l’indemnité est négocié, en particulier, il peut y avoir plusieurs entretiens le temps de se mettre d’accord.
L’entreprise envoie une convocation écrite pour le ou les entretiens. Les conditions de convocation à l’entretien (date, heure, lieu) sont fixées librement par les deux parties. L’entretien peut se faire en visio s’il n’y a pas de possibilité de se déplacer.
L’entretien est la première étape officielle de la procédure : l’entreprise et la personne salariée doivent se réunir à l’occasion d’au moins un entretien.
Comme je le disais à l’étape 1, il est possible, pour la personne salariée de se faire assister. Il est alors obligatoire d’en informer l’entreprise avant l’entretien (par écrit ou oralement) mais il n’est pas donné de délai pour donner cette information. Cela peut donc être la veille.
L’entreprise peut également se faire assister et elle doit également en informer le ou la salariée avant l’entretien (par écrit ou oralement).
Étape 5 : La signature de la convention de rupture
Suite à l’entretien (ou aux entretiens) et si un accord a été trouvé, une convention de rupture est rédigée par l’entreprise. Cette convention doit prévoir les conditions suivantes :
- Date de rupture du contrat de travail, fixée au plus tôt au lendemain du jour de l’autorisation de l’inspection du travail (donc après les délais de rétractation et d’homologation) ;
- Montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
Une fois la convention de rupture signée par l’entreprise et par la personne salariée, l’entreprise doit attendre la fin du délai de rétractation pour transmettre la demande de rupture conventionnelle sur la plateforme officielle TéléRC. Lorsque la convention est transmise, chaque partie reçoit un accusé de réception avec un lien de suivi de la demande sur TéléRC. Le délai d’homologation démarre alors.
Dans ce délai, l’inspection du travail va soit refuser, soit ne rien dire concernant cette rupture conventionnelle. Une fois le délai d’homologation passé, s’il n’y a pas eu de retour de l’inspection du travail, la rupture conventionnelle est considérée homologuée et la date de fin du contrat est celle prévue dans la convention.
À savoir : sur la plateforme de suivi de la demande, l’approbation de la convention apparaît plusieurs jours après le délai passé. C’est une source d’inquiétude mais c’est comme ça que ça se passe…
Étape 6 : La fin de contrat
Au moment du départ, l’employeur ou l’employeuse doit remettre à la personne salariée les documents suivants :
La personne salariée perçoit l’indemnité compensatrice de congés payés, si elle n’a pas pris tous les congés acquis à la date de rupture du contrat.
Et voilà, à vous la nouvelle aventure !
Bon à savoir (ajouté le 22 avril 2023) : Lorsqu’une rupture conventionnelle est refusée par l’entreprise, jusqu’à maintenant, il pouvait y avoir une autre porte de sortie possible : l’abandon de poste (à condition qu’il y ait un accord avec l’entreprise, sinon c’est très risqué car il n’y a pas d’obligation de licencier un ou une salariée qui ne vient plus). Cela pouvait ouvrir des droits au chômage. Depuis le 17 avril 2023, ce n’est plus le cas car un abandon de poste vaut désormais « présomption de démission »…